Le teint halé, le sourire collé aux lèvres, Caroline Bourry est toujours de bonne humeur. Salariée du comité départemental, où elle se charge du développement de la discipline, elle participe à l’éclosion des jeunes pousses auboises et contribue à leur épanouissement. « Heureusement qu’on l’a ! clame Pierre-Emmanuel Ravet, président du comité. On espère qu’elle restera longtemps avec nous. Caro est une force de proposition, un moteur pour notre discipline. Tout le monde est unanime sur un point ; sans Caroline, les jeunes n’évolueraient pas aussi vite. Elle sait les motiver, les guider ; prend beaucoup de son temps… même personnel, pour leur apporter son soutien. Mon fils, Joshua, a connu un passage à vide. Il n’était plus trop motivé. Quinze minutes d’une discussion avec Caro ont suffi à le relancer. Elle sait communiquer son dynamisme, son enthousiasme. »
« Ma vie tourne autour de l’eau, je suis née dans l’eau… »
Ce petit bout de femme de 34 ans, kayakiste confirmée, pas passée très loin d’une carrière internationale, possède une licence staps, un master management du sport. Elle a travaillé à Lyon sur l’organisation de séminaires sportifs, aurait pu intégrer une grande entreprise. « Elle pourrait gérer la communication d’une grosse structure », pense Pierre-Emmanuel Ravet. Mais Caro a préféré suivre son instinct, se laisser guider par les eaux vives de la vie. Au comité, au contact des jeunes sportifs, au contact des clients qu’elle guide l’été sur les eaux du département, elle s’implique toujours énormément. « Mes potes me demandent souvent quel plaisir j’éprouve à accompagner des touristes l’été sur l’Aube ou la Seine. Mais j’adore ça ! J’aime partager, faire découvrir les richesses du département, les conseiller sur les lieux à visiter. »
Caroline, l’été, enfile les heures comme d’autres les perles. Elle se dédouble, se détriple. Puis, l’hiver venu, à la morne saison, elle prend l’air, voyage, profite. Certains rêvent leur vie, Caro vit son rêve. « Les discussions ont parfois été orageuses avec mon père, qui ne comprend pas toujours mon mode de fonctionnement, avoue-t-elle. Mais ma vie tourne autour de l’eau, du kayak. J’adore ça. »
« Le haut niveau n’est pas forcément gage de bonheur »
Caroline Bourry a grandi dans l’Aube, a découvert l’eau à la base de loisirs de Chappes, que gérait sa maman Catherine. « Je suis née dans l’eau, sourit-elle. Tous mes étés, je les passais à la base. J’aimais choper les poissons avec un sac plastique. »
Elle a conservé cette insouciance, ce souci de prendre constamment du plaisir. « J’ai débuté le kayak en compétition très tardivement, à l’âge de 17 ans, ajoute-t-elle. Si j’avais commencé plus jeune, sans doute aurais-je intégré l’équipe de France juniors. » Licenciée à Chappes, puis à Reims, notre Troyenne s’est exilée ensuite à Vaulx-en-Velin, où elle rivalisait avec les meilleures Françaises. « Pour aller plus haut, espérer mieux, il aurait fallu que je fasse d’autres sacrifices, que je parte m’installer à Pau, où tout se passe. » Caro ne nourrit pourtant « aucun regret ». « Le haut niveau n’est pas forcément gage de bonheur », songe-t-elle. Cet état d’esprit ne la quitte jamais.
Dans sa façon de coacher, Caroline est différente. Elle cherche sans cesse la notion de plaisir. « Vous savez, quand les gamins sortent de l’eau en plein hiver, qu’ils rejoignent, trempés, les vestiaires ; que des stalactites se forment sur leur combinaison, il faut être motivé… »
Aussi, pour conserver ses troupes en alerte, toujours motivées, elle les sort de leur contexte, les emmène faire du ski de rando, de l’escalade, de la PPG. Caro n’hésite pas à mouiller le maillot, à grimper aux arbres pour accrocher les fils qui soutiennent les portes de slalom. Encore à 34 ans, elle a le niveau N1. « Mais je n’accepterai la montée que lorsque Antonin (Robert) décrochera la sienne. » Cela devrait se faire en fin d’année..
« Si je reste compétitrice, c’est par plaisir, évidemment. Mais surtout par obligation, conclut-elle. En tant que coach, c’est nécessaire de rester au contact de l’eau, de suivre l’évolution des bateaux. » Elle pourrait discuter de sa passion durant des heures. On continuerait de l’écouter. Avec plaisir. Mais elle file dans l’eau ; pour mieux profiter du printemps, de cette nature qu’elle chérit tant.
Ludovic MATTEN